- ROLLINS (SONNY)
- ROLLINS (SONNY)ROLLINS THEODORE WALTER dit SONNY (1929- )Au début des années 1950, alors qu’une majorité de saxophonistes ténors s’inspiraient de Lester Young, Sonny Rollins remit à l’honneur la sonorité volumineuse et les puissantes architectures chères à Coleman Hawkins. Ses conceptions, cependant, étaient beaucoup plus avancées que celles du vieux maître: il avait retenu les leçons de Charlie Parker en matière de découpage mélodico-rythmique, celles de Lester Young en matière d’harmonie. Mais la modernité de Sonny Rollins réside surtout dans l’exploitation dialectique de certains couples d’oppositions comme la véhémence et la sérénité, la générosité et l’ingratitude mélodiques, la tendresse et les sarcasmes, le traditionalisme et le goût de l’aventure. Après avoir été, grâce à son autorité, l’un des chefs de file du hard bop, c’est à la frange des grands courants, dont il lui arrive cependant d’être aussi initiateur, qu’il va, dès 1957, à la tête de ses propres formations, tracer sa trajectoire, étrange périple coupé d’arrêts brusques et de fréquents retours en arrière. Ainsi, au moment où John Coltrane lance ses premières bombes, il se retire pendant près de deux ans pour méditer sur la direction à prendre, puis marque son retour en enregistrant The Bridge (1961). Ainsi encore, il se lance aussitôt sur les traces d’Ornette Coleman, pour s’intéresser ensuite aux rythmes caraïbes (Don’t Stop The Carnival , 1978); il est sollicité par les Rolling Stones (Tattoo You , 1981), devient un improvisateur de plus en plus aventureux (Here’s To the People , 1991)...Cet improvisateur prolixe, au verbe haut, est en réalité un inquiet, particulièrement accessible aux scrupules et aux remords. Il a du mal à choisir entre tout ce que son génie lui permet. Ainsi se profile, sous le regard de l’analyste, non pas un seul Rollins, mais plusieurs: chaque nouveau disque, ou presque, le montre sous un jour différent. Des constantes cependant: son intelligence musicale et son inébranlable tempo intérieur qui lui permettent de s’exprimer sans pianiste, et même parfois absolument seul, sans que sa musique y perde en plénitude ou en swing. Son approche instrumentale a servi d’idéal à de très nombreux saxophonistes, et certaines de ses œuvres ont préfacé le free jazz.
Encyclopédie Universelle. 2012.